15 000 trottinettes évaporées en quelques nuits. À Paris, l’interdiction est tombée comme un couperet, portée par la voix d’une majorité écrasante lors de la consultation citoyenne. Moins d’un an plus tard, le visage de la capitale a changé, et avec lui, la routine de milliers d’usagers. Les opérateurs ont obtempéré, la mairie a tranché. Mais derrière ce retrait historique, c’est tout l’équilibre de la mobilité urbaine qui vacille.
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La fin des trottinettes en libre-service à Paris : un tournant pour la mobilité urbaine
Le 1er septembre 2023, la page s’est tournée sans appel : Paris s’est débarrassée de ses trottinettes électriques en libre-service. Une décision portée par la mairie et mise en œuvre à marche forcée, qui a forcé trois géants du secteur, Lime, Dott, Tier, à retirer plus de 15 000 engins en un temps record. Ce bouleversement n’a pas seulement vidé les trottoirs ; il a redéfini le paysage de la mobilité à Paris.
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Les parisiens qui misaient sur la mobilité douce ont dû réinventer leurs trajets quotidiens. Certains ont enfourché les vélos en libre-service, d’autres ont renoué avec la marche ou le métro. La mairie, elle, a assumé un choix fort : privilégier la sécurité et un partage apaisé de l’espace public. Anne Hidalgo a cherché à rendre la ville plus respirable, misant sur l’ordre plutôt que sur l’encombrement.
Mais ce grand ménage n’a pas été sans conséquence pour le secteur. Des emplois ont disparu, les flottes ont été redéployées ailleurs, et Paris a envoyé un signal à ses homologues européens. En agissant ainsi, la capitale française s’est placée à contre-courant de la tendance observée dans d’autres métropoles. Paris expérimente, Paris bouscule, Paris s’expose aussi à l’examen des grandes villes qui observent ses choix à la loupe.
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Pourquoi la mairie a-t-elle décidé d’interdire ces engins ?
La mairie n’a pas pris cette décision sur un coup de tête. Depuis leur arrivée, les trottinettes électriques en libre-service ont cristallisé les tensions. Les problèmes de sécurité se sont multipliés : stationnement sauvage, slalom dangereux sur les trottoirs, accidents en hausse constante. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2022, la mairie recensait près d’un accident quotidien impliquant une trottinette électrique. Les services d’urgences hospitalières, saturés, ont tiré la sonnette d’alarme.
Les piétons, notamment les plus vulnérables, ont exprimé leur ras-le-bol face aux incivilités : excès de vitesse, non-respect du code de la route, usage à deux, absence de casque… Les tentatives de régulation n’ont pas suffi. La commission de contrôle mise en place par la ville épinglait régulièrement les opérateurs pour leur laxisme face aux nouvelles règles imposées.
Devant cette situation, la consultation citoyenne du printemps 2023 a tranché. Près de 9 votants sur 10 ont réclamé la fin des trottinettes électriques en libre-service. Forte de ce résultat, Anne Hidalgo a acté la mesure, affichant la volonté de la mairie d’aligner la politique de déplacement sur la loi d’orientation des mobilités. L’objectif affiché : encourager des alternatives jugées plus sûres et mieux intégrées à la ville.
Partisans et opposants : des arguments qui divisent
La décision n’a pas laissé Paris indifférente. Les soutiens de l’interdiction, souvent des riverains et des associations de piétons, voyaient dans la suppression des trottinettes une délivrance. Moins d’accidents, davantage de sécurité, des trottoirs dégagés : pour eux, il fallait agir. Les arrondissements les plus denses de la capitale, saturés de deux-roues éparpillés, ont vu dans cette mesure un soulagement attendu. L’enjeu du bruit et du désordre visuel a également pesé dans la balance.
Mais en face, les utilisateurs fidèles et les entreprises du secteur ont dénoncé une décision trop rapide. Lime, Dott et Tier Mobility estiment que ce choix freine la mobilité douce et compromet les ambitions de lutte contre la pollution. Selon eux, des milliers de trajets basculent désormais vers des modes de transport plus polluants. Les campagnes de communication, déployées dans les rues et sur les réseaux sociaux, n’ont pas suffi à mobiliser : la majorité des participants à la consultation a choisi le bannissement.
Le débat révèle aussi une fracture générationnelle et sociale. Les jeunes actifs, notamment en Île-de-France, regrettaient la disparition d’un service pratique et rapide. À l’inverse, les suffrages exprimés venaient surtout de résidents plus âgés, moins utilisateurs et attachés à la tranquillité urbaine. Entre envie de modernité et besoin de régulation, le clivage subsiste.
Que deviennent les trottinettes après leur retrait des rues parisiennes ?
La disparition des trottinettes électriques à Paris ne marque pas la fin de leur histoire. Les opérateurs ont organisé avec soin la redistribution de leurs flottes, direction d’autres horizons. Des milliers d’engins ont été convoyés dans la discrétion vers Lille, Bordeaux, Bruxelles, Londres, Copenhague, mais aussi vers l’Allemagne ou la Pologne. L’objectif : renforcer les services là où la demande reste forte et la réglementation moins sévère qu’à Paris.
La logistique a été peaufinée : remise en état, transfert, et pas question de tout envoyer à la casse. Dans certains cas, une partie des trottinettes demeure disponible en Île-de-France, sous d’autres modèles ou dans les communes limitrophes. Les grandes villes européennes, elles, n’ont pas tardé à intégrer ces engins pour étoffer leur propre offre de mobilité.
Les chiffres précis restent confidentiels, jalousement gardés par les entreprises du secteur. Mais une chose est sûre : le marché se réorganise sur le continent, et la trottinette qui a quitté Paris poursuit sa route ailleurs, prête à s’adapter à de nouveaux usages, de nouvelles règles, et à de nouveaux défis. La capitale a tranché, mais le débat sur la mobilité urbaine, lui, ne fait que commencer.